Gil Jourdan, au volant de sa voiture, est licencié en droit. Fraîchement diplômé, il ouvre un cabinet de détective privé et s’adjoint les services d’un ancien cambrioleur, André Papignolle, surnommé Libellule (à sa droite).
Né à Huy en 1921, Maurice Tillieux fait quelques essais comme dessinateur à Bruxelles. Rêvant de devenir marin, la Seconde Guerre mondiale éclate et met un terme à cette ambition. Il publie ensuite quelques romans avant de se tourner vers la bande dessinée, influencé au début par Hergé. En 1949, il crée la série Félix pour le journal Heroïc-Albums. En 1956, les éditions Spirou proposent à Maurice Tillieux de développer une nouvelle série. Il reprend ses personnages de Félix, change leurs noms, puis adapte les scénarios au public du journal de Spirou. C’est ainsi qu’apparaît Gil Jourdan le 26 septembre 1956.
Aux côtés du héros et de Libellule, on découvre l’inspecteur Crouton et la secrétaire Queue-de-cerise, le seul personnage féminin de la série. Dans les années 1950, la sous-représentation de personnages féminins dans la bande dessinée est généralisée. Dans un contexte social marqué par une forme de patriarcat, et dans des revues belges imprégnées d’un certain conservatisme catholique, les personnages centraux sont généralement des hommes. Dans ce contexte, la loi française de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse permet de censurer des bandes dessinées sous le prétexte qu’elles « démoralisent » les lecteurs. La combinaison de ces éléments entraîne les éditeurs, voire les auteurs eux-mêmes, à supprimer les personnages féminins de leurs séries. C’est ainsi que les femmes sont absentes de Gil Jourdan, à la notable exception de Queue-de-Cerise. Si les protagonistes masculins sont au centre de la série et voyagent aux quatre coins du monde au fil de leurs enquêtes, Queue-de-Cerise n’en est pas moins un personnage important. Elle apparaît peu et ne participe pas aux aventures de ses collègues, mais elle est intelligente et son rôle est loin d’être passif, tranchant ainsi avec les rares personnages féminins stéréotypés de l’époque.
Un des aspects clé de l’identité de Gil Jourdan est son inscription dans une tradition du polar qui décrit un quotidien loin d’être édulcoré. Les banlieues un peu moches et les zones portuaires sous la pluie sont ses décors de prédilection. Maurice Tillieux détonne par le fait que ses bandes dessinées ressemblent peut-être un peu plus à la vraie vie, en décrivant par exemple les problèmes financiers du héros, et en accompagnant le tout d’un humour un peu cynique. Ceci le distingue d’ailleurs de Ric Hochet créé bien plus tard, en 1994, par Tibet et Duchateau, où malgré un métier réputé fort mal payé, le personnage principal, également détective privé, ne connaît ici aucune difficulté financière comme l’illustrent par exemple ses nombreuses voitures sportives.
Maurice Tillieux, qui adorait dessiner des voitures accidentées de façon très réaliste, est mort dans un accident de voiture en revenant du Festival international de bande dessinée d’Angoulême en 1978.