Le marché du samedi matin de la place Bockstael est ici représenté par Elodie Shanta. En 2018, Elodie Shanta se tourne vers la bande dessinée jeunesse avec un premier album intitulé Crevette. Elle y présente un style particulier, éloigné des écoles de dessins qu’elle n’a pas fréquentées et inspiré par ses lectures japonaises et islandaises notamment. Car l’autrice apprécie les approches contemplatives ; l’observation qui permet de plonger dans une ambiance ou un univers, en utilisant finalement peu de mots.
Originaire de Bretagne, elle habite à Bruxelles depuis 2016. Inspirée par les éléments mis en avant par les habitant·es lors d’une rencontre sur le marché de la Place Bockstael, elle se rend plusieurs fois dans le quartier où se situera sa fresque afin de rencontrer des riverains et s’imprégner de l’ambiance. Pour construire le dessin, elle s’inspire de la diversité du quartier, de son ambiance vive; elle y inclut de nombreuses références. On retrouve ainsi l’Atomium, l’emblème de l’Exposition universelle de 1958 qui s’est tenue au nord de Laeken. L’église Notre-Dame de Laeken est également représentée, ainsi que l’ancienne maison communale de style néo-Renaissance, datant d’avant que Laeken ne soit rattachée à la Ville de Bruxelles en 1921. Le château de Laeken, résidence de la famille royale belge, est également représenté. De nombreux animaux aux couleurs fantaisistes sont dessinés : dinosaures, oiseaux, chats, chiens, souris…
En y regardant bien, on remarquera que l’autrice a représenté les habitants de Bruxelles dans toute leur diversité, reflétant ainsi la réalité de ce quartier.
Dans le ciel, une sorcière est représentée sur son balais, rappelant que l’autrice a publié un album engagé sur une sorcière intitulé Résine (2021). Au Moyen Âge, les femmes accusées de sorcellerie ont longtemps été condamnées à mort. Aujourd’hui encore dans certaines régions du monde, les femmes accusées de sorcellerie sont exclues de leur communauté. La figure de la sorcière est ainsi attribuée à une femme jugée trop indépendante et qui met en péril un système dominé par des hommes. Elle devient la victime de cette communauté qui déchaîne sa violence contre elle. Avec entre autres l’ouvrage à succès de Mona Chollet paru en 2018, la sorcière est (re)devenue une figure réappropriée de manière positive, notamment dans le cadre de mobilisations féministes. Dans cette lignée, Elodie Shanta présente un conte féministe avec une image différente de la sorcière, qui forme un couple soudé avec son quatrième mari. Celui-ci va d’ailleurs l’aider et la suivre dans ses aventures, tandis que Résine rencontre deux femmes rapidement accusées de sorcellerie également. Le féminisme et la sororité sont ainsi omniprésents dans Résine, revisitant la figure de la sorcière.