Odilon Verjus
Rue des Capucins 13, Bruxelles, Belgium
Odilon Verjus a été créé en 1996 par deux Français, le dessinateur Laurent Verron et le scénariste Yann Le Pennetier. Le premier a vécu plusieurs années à Bruxelles alors que le second y réside depuis le milieu des années 1980. La série est à la fois l’héritière des créations issues des journaux belges catholiques Spirou et Tintin, mais aussi des bandes dessinées nées dans l’effervescence contestataire des années 1960 et 1970 avec lesquelles elle partage un goût affirmé pour la provocation.
Ses « héros » sont deux ecclésiastiques : Odilon Verjus, un ancien souteneur impétueux et ventripotent, et le jeune Laurent de Boismenu, généralement coiffé d’un casque colonial et qui se distingue de son aîné par des principes moraux plus rigides. À chacun des épisodes, ils sont missionnés par le Vatican dans différentes régions du monde afin d’y convertir les âmes de leurs habitants : tribus papoues anthropophages, prostituées de Pigalle ou indépendantistes bretons adeptes de cultes druidiques. Les exploits du duo en soutane évoqués ici se déroulent à Berlin, dans les années 1930 marquées par la montée du nazisme. Comme à leur habitude, les auteurs abordent ces thèmes dramatiques dans un registre satirique. La plupart des créations du scénariste sont ainsi fondées sur l’usage de stéréotypes. Yann déclarait en 1988 : “Dans aucun de mes scénarios je ne cherche à prendre parti pour qui que ce soit. Je n’aime pas cela […] j’ai pour principe de rire de tout. Je ne vois aucun sujet méritant d’être sacralisé au point qu’on ne puisse pas en rire.”
Les Exploits d’Odilon Verjus convoquent de nombreux personnages dont la célèbre danseuse afro-américaine Joséphine Baker (1906-1975), représentée ici avec son fauve apprivoisé. Engagée en 1925 dans le spectale parisien intitulé « La Revue Nègre », elle défraye la chronique lorsqu’elle apparait pour la danse finale les seins nus et portant une ceinture de bananes. Jouant des stéréotypes racistes, elle reçoit une panthère apprivoisée qu’elle nomme Cheetah Chiquita. Dans le contexte colonial de l’époque, le fauve apparaissait comme une métaphore de la femme africaine nécessairement sauvage, indomptée mais gracile. Mais Joséphine Baker est aussi une figure engagée pour la défense des démunis et des droits des afrodescendants. Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, elle s’engage dans la Résistance française, puis elle combat la ségrégation raciale aux États-Unis et participe au Mouvement des Droits civiques aux côtés de Martin Luther King dès la fin des années 1940. En France, elle vit avec ses 12 enfants adoptés aux origines différentes, concrétisant à travers sa « tribu arc-en-ciel » un idéal de tolérance et de fraternité. Le 30 novembre 2021, Joséphine Baker est entrée au Panthéon sous les hommages de la France qui a salué une « artiste éprise de liberté, résistante, militante des droits civiques et femme engagée contre le racisme aux Milandes [et] mère de famille ».
Dans Odilon Verjus, elle est présentée comme un diva extravagante portée par le goût du luxe, mais se distingue aussi par son intransigeance à l’égard de l’idéologie nazie, faisant d’elle un des rares personnages à faire preuve d’engagement moral. La figure engagée de Joséphine Baker contre les stéréotypes raciaux, patriarcaux et sexistes, qui imposaient aussi un idéal de beauté et une représentation stéréotypée de l’érotisme féminin, est aujourd’hui réinvestie et réinterrogée par les auteurs de bande dessinée.
Scénariste : Yann Le Pennetier (1954-)
Dessinateur : Laurent Verron (1962-)
Maison d’édition : Le Lombard
Année de création d’Odilon Verjus : 1996
Création originale